be a freak
Flames so hot they turn blue
“Tu l’étouffes.” Un début de protestation, aussitôt ravalée. L'orage couve dans le regard de Silas, il est avalé par l’obscurité. Deux billes noires sans nuance. Il sent tous ses muscles se tendre. Se rebeller face à l’ordre qui vient de claquer. Ses dents grincent, mélodie mortelle. Et enfin il acquiesce, les lèvres closes. Un simple hochement de tête, une reddition.
“Ça fait pas tant de mal que ça.”Qu’il ose tout de même. Et la réponse ne se fait pas attendre. Le poing cisaille sa joue, et laissera une auréole de pourpre et de jaune sur sa peau. Les doigts gigantesques du paternel se referment sur sa gorge.
“Tu m’arrêtes ça. Qu’il s'amuse un peu.” Qu’il devienne un homme.
“Mais ça ne va pas plus loin.” La pression se relâche et Silas se force à garder une expression impassible. Il a le goût de fiel dans la bouche. Et de sang. Il rêve de rendre les coups, jusqu'à ce que le visage paternel ne soit plus qu’une bouillie d’os et de chair mais comme toujours il laisse le courant emporter son désir de rébellion. Il détourne le regard et courbe l’échine. Comme toujours il se contente d’être une ombre. Le prolongement de la main et de la volonté paternelle. Le cerveau éteint. Les sentiments muselés. Un réflexe de survie. Comme s’il ne servait qu’à ça. Héritier fantoche. Bourreau par procuration. Il n’est que reflection.
Sirius lui se marre quand il voit sa gueule amochée et Silas le fait taire d’une œillade assassine. Plus loin, il voit Kassian roucouler et un poids tombe dans son estomac. C’est la première fois, que ce qu’il doit faire va le blesser. Les taquineries, entre frères, c’est de la merde à côté.
Le second s’approche, il tend une clope déjà allumée et il déglutit. “Il a dit quoi putain ?” Qu’il souffle finalement, la peur dans le regard.
“La fête est finie.” Il désigne du menton le couple. Ils se regardent. Et un silence de mort s’installe.
***
Le corps est couvert d’or et de coquillages. Sa peau encore humide. Doucement elle se défait de ses artifices. Ceux de la créature de spectacle. Celle qui envoûte les foules. Du bout des doigts, il trace la cartographie de son amour sur la peau de son dos. Du bout de la langue, il goûte l’interdit. Au goût de sel et de perdition. Et il sent le frisson qu’il parvient à lui tirer. Un lent sourire vient étirer ses lèvres. Il affronte son regard avec morgue. Il croit avoir l’ascendant.
Il n’en est rien. C’est lui qui se retrouve à genoux. A la vénérer. Il ne cherche même pas à se débattre contre son charme. Le battement sous sa poitrine l’en prémunit. Comme un tambour qui résonne dans son crâne.
Depuis quand c’est là, ça ?
Brusquement il se retrouve dans l’eau. A ne respirer qu’à la grâce de ses lèvres contre les siennes. Il est en elle, elle vole son âme.
***
Dans ses bras.
Lui, ses lèvres contre sa nuque. Elle s'abonne, elle se donne sous la coupe du paternel. Il offre son amour, à d'autres. Comme si elle 'était qu'une marchandise. Et quand leurs regards se croisent et s'affrontent, dans la rétine de son père Silas croit voir une certaine jubilation.
Il l’entend gémir, Elle, et se dérobe à la scène. Il n’en a vu que quelques secondes mais c’est comme si l’image était venue s’incruster sur ses rétines. Les mains de l'ami du Père, jouant sur les courbes de la Sirène.
La pluie frappe le sol avec une force démentielle. L’air se charge d'électricité. L’odeur de terre lui monte aux narines. Il ne tressaille même pas lorsque le premier éclair frappe l’eau. Couvre le hurlement de rage qu’il laisse échapper. Vocifération presque animale alors que la vision de la Sirène sur les genoux de son père vient le harceler avec la même force que les vents qui font rage autour de lui.
Comme un jouet.
C’est ce qu’il est. Ce qu’ils sont tous, pour lui. Le patriarche. Qui prend et prend et prend sans jamais donner. Il souille, le Père. Il détruit. Il annihile. Parangon de mort et de destruction.
Ça s'arrête ce soir. La pluie cesse aussi brusquement qu’elle est arrivée et laisse le mage un peu hagard. Il l’entend, distinctement, le bruit du verrou qu’il appose sur son cœur. Il fait marche arrière. En pilote automatique. Il ouvre les cages. Il brûle. De rage. Il brûle. Tout ce qui est précieux. Et alors que tout se réduit à des cendres, il ne voit toujours que la Sirène dansant sur ses genoux.