Bledri Suileabhan MacAllister
you are what you do, not what you say you'll do.
the snake starts to sing
Sur le palais claquent les syllabes d’une (( noblesse ancienne )), lignée presque exterminée de comtes au nez dans les étoiles et au verbe prolifique ; mages dispersés dans les cours sorcières comme diplomates, gens lettrés et cultivés. Le tartan usé des MacAllister n’est plus qu’une bannière terne, le triste souvenir de ces astronomes à l’éloquence farouche, qui ont pu compter de braves duellistes ou de raffinés conteurs des légendes celtes. A lire les secrets des astres guidant les destins des âmes incarnées, ils n’ont su éviter leur propre chute.
Porteur de cet héritage aux facettes multiples, ancrées en de multiples ports gaëliques, Bledri, quatrième de cinq enfants, est comme un hommage aux Caer Droea hantés de la sauvage Gwydyr en Pays de Galles. Marque du loup solitaire condamné à errer dans les labyrinthes des psychés, pacte scellé avec la Lune et l’ombre nocturne depuis la naissance ; il est ce (( roi lupin au poil argenté )) qui tapisse les rêves au royaume du subconscient.
L’influence maternelle et irlandaise sonne en Suileabhan qui apposa son (( regard noir )) sur le monde en ouvrant la première fois les yeux. Comme l’ouverture d’un abîme aux ambitions échouées sur les récifs de l’égarement.
Rudesse de l’hiver, gémissements de Borée apportant la gelée au (( crépuscule du 3 mars 1876 )). Nouvelle année soufflée il y a peu, 55 bougies déjà consumées pour ce Poisson ascendant Lion. L’aura transpirant une confiance maturée par la force de l’âge, charisme envoûtant qui dissimule une sensibilité claquemurée et désenchantée tournée vers la franchise de Mars la belliqueuse.
Passion devenue masque vénitien en société sans magie, voile d’infiltré devenu métier plaisir, aveu soigneusement dissimulé derrière la nécessité et l’utilité de sa tâche. A la tête du (( Notte eterna wine cellar )) depuis quinze ans, cave à vin réputée pour proposer des bouteilles rares et des expériences œnologiques presque… oniriques. Les langues se délient sous le charme des vins onctueux, les murailles de l’esprit s’ébranlent sous l’assaut vif des rouges charpentés. Bledri tient à ne proposer que le meilleur des savoirs faires viticoles pour en garnir les plus illustres tables. Réseau créé pour atteindre restaurants huppés et clubs privés, nappes fortunées et clients influents.
Vocation à jamais fait battre le palpitant et nourrit l’esprit ; (( psychomage renommé )), original et parfois contesté pour ses méthodes. Son cabinet depuis peu partagé avec son tout aussi détonnant duo, offre ses services thérapeutiques pour soigner les maux de l’âme et soulager l’inconscient. Bledri depuis longtemps intègre des techniques d’hypnose pour induire ses patients en état de conscience modifiée, et abattre les barrières et les résistances pour accéder aux nœuds les plus enfouis et les plus retors des psychés souffrantes. Sans hésiter fait-il usage des rêves, pendant positif d’un don parfois effrayant. Permanence régulière, un jour par semaine, exercée également à
L’assurance de jouir d’un honneur ancestral, irremplaçable, implacable. Forces du chaos qui pulsent dans les veines d’un peuple élu, quasi décimé par des barbares, d’éternels enfants aux âmes dégénérées.
L’Ecosse dans la chair, comté d’Argyll comme territoire des jeux de l’enfance, ses falaises abruptes et ses vents charriant les sels de la mer agitée. L’Irlande dans le cœur, lignée maternelle aux battements sauvages qui pulsent à la fois dans le creux de ses reins et l’écho des litanies de son subconscient.
Modeste manoir d’allure néo-gothique aux embruns boisés romantiques, le lierre qui glisse et s’enroule autour de la pierre taillée ; demeure cachée derrière de hauts cyprès parsemant West End. Un endroit confortable, parsemé d’objets étalant une curiosité avide envers des cultures autrefois visitées et des civilisations disparues. Mais désespérément vide, l'atmosphère austère.
(( célibataire maladif, pansexuel ))
Miettes du myocarde difficilement rassemblées et figées en une façade aussi lisse que triste, la terreur d’aimer et de souffrir à nouveau l’empêche d’avancer, de dépasser les traumas du passé. Et pourtant, s’il se laissait porter par sa capacité à aimer, ne s’attacherait-il avec tendresse qu’aux âmes à l’intellect pétillant. Préférences charnelles et spirituelles piochent sans distinction de genre, draps froissés et tiédis par des amantes et des amants ; il a surtout aimé une femme au point de vaciller vers le désespoir.
La colère comme dernier flambeau ; nulle absolution pour les maudits voués aux feux vengeurs de la magie.
Main tendue vers qui allait se noyer dans les abysses de son âme mutilée par la perte de son épouse, phare apparu au milieu de flots déchainés pour le raccrocher à la réalité quand il s’enfonçait inexorablement vers les songes idéalisés atténuant si peu la douleur. Une seconde chance offerte, (( une raison de vivre )), une raison d’affûter sa haine vers l’extérieur et non plus vers lui-même.
Paradis perdu, atlante en exil après la chute de ce qu’il avait toujours connu. Spectres convoités d’un bonheur arraché, dispersé aux flots et aux vents des souvenirs. La pâle copie d’aujourd’hui teintée de l’amertume de ce qui fut perdu et percute les espoirs qu’il s’était parfois, autrefois, interdit, d’une vision restaurée, d’une grandeur retrouvée, d’une aura étincelante.
Jadis la curiosité de la jeunesse l’avait rendu fébrile, intéressé par tout et tous. L’érudition s’offre à chaque créature et les sciences des sans magie le fascinaient. Mais c’était oublier, c’était refuser de voir le poison arrogant d’un progrès frénétique au service d’une corruption de l’âme basée sur des terreurs nocturnes d’enfants jamais consolés.
Psyché balayée par les tempêtes, proie du loup sommeillant sous la surface ondine.
Baguette jamais trafiquée, gardée dans une fausse doublure de veste ou de botte. Il s’en sert peu au demeurant, rompu à l’art des sortilèges informulés. Son ancienne alliance, incapable de s’en séparer, incapable aussi de la réunir avec celle, perdue, de la bien-aimée, triste cercle privé de son double pour former l’infini : toujours la porte-t-il en pendentif, au bout d’une chaine d’or. L’anneau retravaillé pour être
Port de tête hautain et regard jaune scrutateur, perçants entre des paupières plissées qui lui donnent cet air sévère comme à toute digne chouette chevêche d’Athéna, Nemain est sa petite compagne au chant discret et au vol silencieux. Chasseuse de secrets aussi bien qu’elle traque les souris du manoir, intelligence aiguisée, narquoise, tendre parfois sous les doigts du thérapeute agité. Personne ne fait attention à cette petite créature habilement cachée, à la vie principalement nocturne mais qui prend aussi son envol dans les brumeuses matinées. Échange de sensations, ces flashes d’illusion où il se sent voler, porté par les vents et la légèreté de ses plumes, parfois des mots sonnent dans la tête de Bledri comme de funestes avertissements de sagesse.
Consécration qu’il croit atteindre, derniers spectres de la naïve jeunesse, en publiant une série d’essais sur l’analyse parallèle des soins en psychomagie et de la psychanalyse thérapeutique. Passerelle jetée entre monde d’envers et d’endroit qui en fait s’insurger plus d’un mais qui provoque beaucoup de curiosité pour son cabinet. Il donne des conférences dans le monde d’envers en Europe, reçoit des demandes pour enseigner ses méthodes. Rançon du succès qui lustre son égo, la fierté légitime qui se tisse en orgueil.
Chute de ce monde qu’il a toujours connu et aimé, effondrement d’une royauté que sa famille servait au point de se saigner jusqu’à l’excès. Père et frère ainé, ardents défenseurs et brillants duellistes sacrifiés au nom de l’honneur. Les deux jumeaux brûlés vifs, l’un pour ses cartes d’astronome dont il aurait mieux fait de taire les prédictions, l’autre pour avoir voulu se dresser entre les chasseurs et sa famille, aux portes de leur demeure d’Édimbourg. Au bout du compte, ne reste que Bledri et sa sœur résidant en Irlande. Mère introuvable, qu’il ne retrouve que dans le monde des songes à errer jusqu’à la folie.
fondation des chasseur·se·s de calédonien de glasgow (anti-mages).
Château familial hors d’atteinte, survivre à devoir se terrer, coups d’œil incessant par-dessus l’épaule, petite fille de 10 ans dans les bras. Un jour, quelque chose ou quelqu’un les trahit, et les chasseurs sont à leurs trousses, jusqu’à l’affrontement inévitable. Bouclier de sa fille, dans leur fuite, il ne peut qu’assister, impuissant, à l’enlèvement de Luan. Semaines passées à sa recherche, à ne pouvoir que la retrouver dans leurs songes. Lien astral qui le brûle dès qu’elle subit ce que ces sauvages malades appellent des expériences.
les mois passent et il ne peut qu’apporter un bien piètre réconfort aux rêves de Luan. Elle le supplie de mettre fin à tout ça, de l’empêcher de se réveiller, pour rester ensemble dans un songe sans réveil. Mais Bledri en est bien incapable, pas encore assez expérimenté, affûté, pour envisager pareil dénouement. Pas plus que de mettre fin à ses souffrances. La mort finit par trouver Luan et c’est par leur lien spectral, qu’il perçoit l’existence de l’enfant qu’elle portait et dont la naissance emporte la mère vers les limbes du trépas. Des mois qu’elle l’ignorait, puis trop droguée pour en prendre conscience. Ressentir sa disparition, sans être capable de pouvoir la plonger dans le sommeil à distance, c’était brûler son corps de l’intérieur, arracher une part de lui dans sa poitrine, dans sa tête, et le marquer au fer rouge pour que jamais ça ne cicatrise.
way down we go
I'm not what happened to me, I am what I choose to become.
the black parade
Sommeil agité de rêves imagés et intenses, alimenté par une imagination débordante puisant dans les mythes, les arts, les symboles et l’histoire. Les émotions ont toujours été à fleur de peau, sensibilité particulière pour sonder sans le savoir la température émotionnelle de son entourage. Porte d’accès rendant encore plus violente les premières manifestations des rivalités entre ses frères au cœur de ses balades oniriques. Les terreurs d’autrefois, Bledri les a faites siennes. Paupières closes comme un rideau cachant la scène nocturne, il navigue de monde en monde, apprend en s’adressant à la psyché mise à nue par le sommeil, construit et déconstruit, observe dans les fourrés de décors bigarrés, offre un repos apaisé aux âmes éreintées, et tourmente qui aurait eu le culot de se dresser sur sa route. Labyrinthes sinueux peuplés des montres issus de l’enfance, chaque élément de l’architecture onirique entre en résonnance avec l’inconscient du sujet, symboles exploités avec la dextre d’un chirurgien. Son seul repos récupérateur survient par la naissance de ses propres empires, coupé de l’influence des autres, repos dans la solitude amputée de ses notes mélancoliques par de longues méditations encensées de vapeurs psychotropes.
Grand-mère Aslinn, unique occurrence familiale qu’il eût connue, capable de traverser les rêves et de rebâtir les châteaux de sable du marchand. Voilà le phare de ses nuits, la sagesse au bout des lippes, l’espièglerie dans les sons de sa harpe qui l’endormait si facilement enfant. La fierté dans son regard farouche, pour son petit-fils qu’on aurait pu croire dépossédé d’un point de vue ordre de succession. Mentorat exigeant, modèle dans la maîtrise qu’elle semblait exercer, seconde mère qui lui aura tout appris en le soulageant de ses premiers cauchemars – ceux d’être un enfant qui voulait briller mais qu’on ne verrait jamais, avalé par les ombres de l’indifférence. Isolés dans les forêts irlandaises d’abord, elle lui a enseigné à considérer les rêves comme des créatures à dompter, à apprivoiser, à considérer avec bienveillance, compagnons de vie aux formes changeantes et gardiens des secrets de tout un chacun.
Dernier stade de maîtrise atteint, responsabilité colossale pour quiconque serait tenté de faire sombrer un rêveur dans ses filets pour l’éternité d’un sommeil sans fin. La tentation de se croire démiurge à force d’explorer la part subconsciente des esprits malades sonne comme un avertissement. Mais Bledri aime à franchir les limites, à explorer ce qui ne l’a jamais été, moins pour la gloire que pour en tirer enseignement.
Réveils lancinants, ardus, douloureux, s’extirper du royaume d’Hypnos est parfois pire que les retombées d’une soirée trop avinée. La fatigue à le guetter tel un félin affamé, à griffer son corps d’ankyloses ou d’un refus de se mouvoir. L’attention défaillante après des séances oniriques trop intenses, le besoin de s’isoler dans la pénombre et sous les auspices d’un thé parfumé de gingembre, plus souvent d’un café corsé en réalité. Symptômes révélateurs du degré d’épuisement, à trop vouloir tirer sur la corde. Céphalées désagréables, l’œil qui ne supporte plus guère la lumière dans ces moments. Et toujours, le doute qui l’étreint au moment de s’endormir, de ne savoir s’il se laisserait volontiers piéger dans ses propres rêves, abandonnant la réalité pour s’en créer une nouvelle. La tentation toujours grande de revivre des souvenirs fantasmés, de faire comme si elle, la lune éclairant ses nuits, était toujours là avec lui. Succomber à la mélodie envoutante des sirènes de la folie.
Fin observateur forgé par l’expérience, le besoin de pousser sa pratique au plus haut niveau. Nécessité assumée d’analyser le moindre détail apporté par ses patients ou de se rappeler avec précision une conversation, un rictus, la forme d’un bijou. Rune perdue au cœur d’un tatouage de croix celtique, apporte à son attention parfois défaillante de rêveur fatigué, la mémoire eidétique. Sensibles aux sons et aux images, il grave alors dans son esprit des associations d’idées, de couleurs, de formes, par flashes qui se superposent alors à l’image mentale.
bad moon rising